Seul, je suis devant cette toile blanche ; ma pensée meurtrie me hante, inséparable de mon moi, comme une ombre fidèle.
Brisé, je suis les débris d’un miroir, un assemblage d’éclats reflétant une œuvre inachevée, une voix sur le point de s’exprimer.
Sans mot, je m’épuise à tracer une empreinte d’un déclin annoncé, un avenir en danger qui se révèle à mesure qu’il se dessine.
Éparpillé en mille morceaux, je vacille sous la colère d’une époque qui me dévore. Je suis une âme rongée, minée par une crise qui s’accélère, emportant avec elle le fragile équilibre du temps.
Le monde ne croit plus en rien ; je ressens les failles d’une Terre en lambeaux et porte, en moi, le poids d’une conscience qui s’effondre.
Témoin du néant qui s’étend, je sais que chaque coup de pinceau alourdit le tableau d’une tristesse infinie.
Je regrette, mais je n’y arrive plus. Je n’arrive plus à trouver le sommeil devant cet extérieur figé, déjà au bord du précipice.
Je ne vis qu’à moitié, et si ma vie était encore à faire, je partirais en mer, loin de ce climat de violence.
Je suis fracturé, brisé, et dans chacune de mes brisures, il y a sans doute les vôtres.